Débats-rencontres « Les jeunes dans la construction d'une société européenne de la connaissance » (juin à novembre 2008 à Ploieşti)
http://www.ambafrance-ro.org/
L’Alliance française de Ploieşti a été retenue comme opérateur national pour la Roumanie dans le projet « les Jeunes dans la construction d’uns société européenne de la connaissance », lancé par la Centre national de la recherche scientifique (CNRS, Paris), afin de responsabiliser les jeunes citoyens européens sur ce domaine.
Un panel de jeunes Roumains âgés de 15 à 20 ans a ainsi été sélectionné pour participer à des formations et des débats d’idées autour de chercheurs nationaux sur les thèmes de la société de la connaissance, la démocratie participative, le développement durable et le rôle des technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement et l’éducation. Les participants roumains à ce projets seront invités à une rencontre internationale à Poitiers (Région Poitou-Charentes, France) en octobre 2008 et rédigeront avec des jeunes issus d’autres pays européens vingt recommandations qui seront adressées à la Commission européenne ainsi qu’aux gouvernements des Etats-membres.Organisateurs : Alliance française de PloieştiPartenaires : Ambassade de France en Roumanie, Mairie de la ville de Ploieşti, Inspection Académique de Prahova, Musée Départemental des Sciences Naturelles de Prahova, Collège National « I.L. Caragiale » Ploieşti, Collège National « Mihai Viteazul » Ploieşti, Fondation des Hommes de Science, Apa Nova Ploieşti – filiale de Veolia Eau, Veolia Propreté – Services pour l’environnement
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jeudi 14 août 2008
mardi 29 juillet 2008
Les textes de référence de Brest 7-8 juillet 2008
La transmission des savoirs et des connaissances
L'un des enjeux fondamentaux lorsqu'on produit des savoirs et des connaissances consiste à assurer leur transmission. Il existe des exemples célèbres où, par décision, des communautés politiques (de la tribu à l'Empire) ont décidé de stopper l'usage de certaines techniques pour des raisons très variées (la fabrication de grands bâteaux par la Chine, de fusils par les japonais etc). Récemment, dans l'usine de Gandrange, en France, on s'est aperçu qu'une des raisons essentielles de la fermeture de cette entreprise était que la direction avait très mal anticipé les conséquences radicales du départ en retraite de très nombreux ouvriers, dont les connaissances étaient parfois si rares qu'aucune embauche future n'aurait pu les remplacer. La question de la transmission des savoirs et des connaissances est aussi un enjeu essentiel dans la transmission des histoires qu'un peuple (ou qu'une famille) se raconte à lui-même. La fonction de la transmission est aussi vieille que l'humanité. Mais selon les formes qu'elle prend elle change la nature du rapport au savoir. L'apparition du livre a, par exemple, favorisé la démocratisation fulgurante des savoirs, jusque-là chasse-gardée de certaines catégories de la population (roi, prêtre...). Aujourd'hui, la transmission s'effectue de plus en plus par les voies électroniques. Le support livre, s'il ne disparaîtra pas, prend une autre place. Mais l'électronique pose deux soucis: 1) les supports vieillissent eux aussi; 2) comment passerons-nous d'un format numérique aux suivants?; 3) est-ce que le fait de capter des informations binaires, d'archiver des informations sous un code binaire, change notre relation au savoir? A notre construction personnelle?
Les différentes formes de savoirs
La science moderne est d'une telle puissance, elle mobilise tellement de moyens qu'elle a fini, peu à peu, par ambitionner de devenir la seule forme de savoir légitime. Elle dit le Vrai avec un grand V. Elle laisse peu de places à d'autres formes de savoirs, tout aussi utiles. Pourtant, il existe des multitudes de différentes formes de savoirs et de connaissances. Des savoirs ancestraux, fruits de milliers d'années d'apprentissage et d'observation (dans l'agriculture par exemple, mais aussi dans les métiers de l'artisanat, l'art de la cuisine, les métiers de l'art etc). D'autres citoyens concourent à notre compréhension du monde. De très nombreux habitants observent le ciel, et donnent des informations précieuses aux astronomes professionnels. Des ONG gardent des "semences paysannes" qui intéresse peu l'économie marchande. Pourtant elle constitue une source précieuse de conservation de la biodiversité. Toujours dans l'étude de la biodiversité, en France, le seul catalogue national tenu à jour l'est par des amateurs. Question à poser: donner des exemples d'autres formes de savoirs; sont-ils complémentaires, concurrents des savoirs scientifiques? Et inversement?
Sur la fonction critique de la science
Une connaissance scientifique, pour être validée, doit l'être par la communauté des pairs (ceux qui travaillent dans le même domaine). Elle doit être produite dans des conditions reproductibles dans les mêmes conditions. Pour ce qui concerne des connaissances non expérimentales (des théories par exemple), on considère qu'elle est valide tant qu'aucun contre-exemple d'observation ne vient l'invalider. Le processus même de la production de savoirs scientifiques repose donc sur une nécessité de critiquer les savoirs et les connaissances produites par d'autres. En revanche, dans des domaines où plusieurs disciplines sont convoquées (comme le changement climatique par exemple) la validation de connaissances est plus délicate. Si elle nécessite de mettre autour de la table des scientifiques de disciplines différentes, elle nécessite aussi des compétences des scientifiques dans plusieurs domaines. Question à poser: quelle est la formation des scientifiques à la critique? Une formation à des sujets très pointus n'est-elle pas aujourd'hui une limite à l'augmentation de notre compréhension de phénomènes dans divers domaines? Qui juge de la qualité d'une publication? Sur quels critères? Sont-ils tous rationnels et raisonnés?
L'économie de la connaissance
A l'origine de l'émergence du concept de "société de la connaissance", il y a d'abord des enjeux géopolitiques et économiques. La question est: quel doit être le positionnement de l'économie européenne dans le contexte d'une économie globalisée? La réponse fut: elle doit miser sur les métiers à haute plus-value intellectuelle, c'est-à-dire les métiers qui nécessitent des formations de haut niveau. Elle doit donc miser sur les enjeux d'innovation. L'idée est donc de placer les savoirs et la connaissance au coeur du processus de production. Cette idée est liée à une transformation des notions de savoir et de connaissances qu'il s'agit de "breveter". Cette idée donne de la "valeur" aux savoirs. Elle a des implications dans la circulation des savoirs et des connaissances. Une connaissance qui appartient à quelqu'un (ou à une organisation, comme une entreprise) ne circule plus de la même façon. Ceci pose des questions redoutables à la communauté scientifique puisqu'une partie de ses habitudes réside dans la libre circulation des savoirs et connaissances produites, afin de la valider, les critiquer, les remettre en question, les améliorer etc... Enfin, ceci pose des questions Les mots à définir: connaissance, innovation, brevet, valeur. Les questions que l'on peut poser: à qui appartient une connaissance? Qui en profite? Pour quels usages? On pourra étudier des cas d'école.
L'un des enjeux fondamentaux lorsqu'on produit des savoirs et des connaissances consiste à assurer leur transmission. Il existe des exemples célèbres où, par décision, des communautés politiques (de la tribu à l'Empire) ont décidé de stopper l'usage de certaines techniques pour des raisons très variées (la fabrication de grands bâteaux par la Chine, de fusils par les japonais etc). Récemment, dans l'usine de Gandrange, en France, on s'est aperçu qu'une des raisons essentielles de la fermeture de cette entreprise était que la direction avait très mal anticipé les conséquences radicales du départ en retraite de très nombreux ouvriers, dont les connaissances étaient parfois si rares qu'aucune embauche future n'aurait pu les remplacer. La question de la transmission des savoirs et des connaissances est aussi un enjeu essentiel dans la transmission des histoires qu'un peuple (ou qu'une famille) se raconte à lui-même. La fonction de la transmission est aussi vieille que l'humanité. Mais selon les formes qu'elle prend elle change la nature du rapport au savoir. L'apparition du livre a, par exemple, favorisé la démocratisation fulgurante des savoirs, jusque-là chasse-gardée de certaines catégories de la population (roi, prêtre...). Aujourd'hui, la transmission s'effectue de plus en plus par les voies électroniques. Le support livre, s'il ne disparaîtra pas, prend une autre place. Mais l'électronique pose deux soucis: 1) les supports vieillissent eux aussi; 2) comment passerons-nous d'un format numérique aux suivants?; 3) est-ce que le fait de capter des informations binaires, d'archiver des informations sous un code binaire, change notre relation au savoir? A notre construction personnelle?
Les différentes formes de savoirs
La science moderne est d'une telle puissance, elle mobilise tellement de moyens qu'elle a fini, peu à peu, par ambitionner de devenir la seule forme de savoir légitime. Elle dit le Vrai avec un grand V. Elle laisse peu de places à d'autres formes de savoirs, tout aussi utiles. Pourtant, il existe des multitudes de différentes formes de savoirs et de connaissances. Des savoirs ancestraux, fruits de milliers d'années d'apprentissage et d'observation (dans l'agriculture par exemple, mais aussi dans les métiers de l'artisanat, l'art de la cuisine, les métiers de l'art etc). D'autres citoyens concourent à notre compréhension du monde. De très nombreux habitants observent le ciel, et donnent des informations précieuses aux astronomes professionnels. Des ONG gardent des "semences paysannes" qui intéresse peu l'économie marchande. Pourtant elle constitue une source précieuse de conservation de la biodiversité. Toujours dans l'étude de la biodiversité, en France, le seul catalogue national tenu à jour l'est par des amateurs. Question à poser: donner des exemples d'autres formes de savoirs; sont-ils complémentaires, concurrents des savoirs scientifiques? Et inversement?
Sur la fonction critique de la science
Une connaissance scientifique, pour être validée, doit l'être par la communauté des pairs (ceux qui travaillent dans le même domaine). Elle doit être produite dans des conditions reproductibles dans les mêmes conditions. Pour ce qui concerne des connaissances non expérimentales (des théories par exemple), on considère qu'elle est valide tant qu'aucun contre-exemple d'observation ne vient l'invalider. Le processus même de la production de savoirs scientifiques repose donc sur une nécessité de critiquer les savoirs et les connaissances produites par d'autres. En revanche, dans des domaines où plusieurs disciplines sont convoquées (comme le changement climatique par exemple) la validation de connaissances est plus délicate. Si elle nécessite de mettre autour de la table des scientifiques de disciplines différentes, elle nécessite aussi des compétences des scientifiques dans plusieurs domaines. Question à poser: quelle est la formation des scientifiques à la critique? Une formation à des sujets très pointus n'est-elle pas aujourd'hui une limite à l'augmentation de notre compréhension de phénomènes dans divers domaines? Qui juge de la qualité d'une publication? Sur quels critères? Sont-ils tous rationnels et raisonnés?
L'économie de la connaissance
A l'origine de l'émergence du concept de "société de la connaissance", il y a d'abord des enjeux géopolitiques et économiques. La question est: quel doit être le positionnement de l'économie européenne dans le contexte d'une économie globalisée? La réponse fut: elle doit miser sur les métiers à haute plus-value intellectuelle, c'est-à-dire les métiers qui nécessitent des formations de haut niveau. Elle doit donc miser sur les enjeux d'innovation. L'idée est donc de placer les savoirs et la connaissance au coeur du processus de production. Cette idée est liée à une transformation des notions de savoir et de connaissances qu'il s'agit de "breveter". Cette idée donne de la "valeur" aux savoirs. Elle a des implications dans la circulation des savoirs et des connaissances. Une connaissance qui appartient à quelqu'un (ou à une organisation, comme une entreprise) ne circule plus de la même façon. Ceci pose des questions redoutables à la communauté scientifique puisqu'une partie de ses habitudes réside dans la libre circulation des savoirs et connaissances produites, afin de la valider, les critiquer, les remettre en question, les améliorer etc... Enfin, ceci pose des questions Les mots à définir: connaissance, innovation, brevet, valeur. Les questions que l'on peut poser: à qui appartient une connaissance? Qui en profite? Pour quels usages? On pourra étudier des cas d'école.
vendredi 25 juillet 2008
Travail sur le brainstorming. Définition de la société de la connaissance :
Nous avons cherché à répondre collectivement à la question « C'est quoi aujourd'hui pour nous la société de la connaissance? »
Tout d'abord, il faut dire que cette notion nous paraît ineffable, et nous sommes en difficulté pour lui donner une définition, nous nous demandons si elle peut être définie? Il y a certainement plusieurs définitions possibles dépendant de différents points de vue.
Toutefois courageusement le groupe s'est attelé à la tâche et voici ce que nous pouvons collectivement et après négociations et discutions en dire:
Au coeur de la sphère de la connaissance, il y a l'homme, en tant qu'individu ou en tant que savant, finalement peu importe, il participe au pot commun de la culture, par l'échange, la réflexion, la mise en commun des savoir.
Pour qu'il y ait une société de la connaissance, il faut qu'il y ait un groupe qui communique, partage ses idées (débats, échanges), un groupe qui vit ensemble, constitué de personnes qui évoluent en interaction pour acquérir et transmettre des savoirs.
Nous nous posons alors la question de savoir où trouver la connaissance?
Il y a plusieurs formes de connaissances: la culture, les savoir d'expérience, les techniques, les sciences, l'histoire, le patrimoine.... on en oublie sûrement...
Nous pensons que la connaissance est en constante augmentation, expansion, évolution. Que d'avancées des connaissances depuis 1OO ans!
Mais se pose alors la question de savoir qui à accès à cette connaissance?
Il y a des inégalités dans l'accessibilité, l'accès à la connaissance a un prix, mais il faut aussi être riche de curiosité pour y accéder.
Une nouvelle interrogation apparaît alors : connaissances intellectuelles et intelligence est-ce la même chose? Et à quoi sert la connaissance?
Pour nous, la connaissance, c'est un idéal qui nous permet d'avancer ensemble vers la maturité et vers une « Connaissances Sans frontières » : « CSF » toute nouvelle ONG que nous venons d'imaginer.
L'école, les institutions, la formation, les projets, les médias et les NTIC nous permettent d'accéder à la connaissance.
Posséder une connaissance n'est-ce pas aussi une forme de pouvoir, nous pourrions explorer cette notion du lien entre connaissance et pouvoir.
Toutes les connaissances sont-elles vraies? La vérité voilà encore une notion à éclaircir.
À quoi sert la connaissance et que nous apporte-t-elle?
Toutes ces nouvelles questions sont des pistes à explorer,
>> Ce que nous pouvons dire aujourd'hui, c'est que nous sommes conscients que pour participer à l'infinie et in quantifiable richesse que représente la société de la connaissance, il nous faut en être les acteurs.
N'est-ce pas justement cette volonté de ne pas rester spectateurs d'une société en évolution qui nous réuni?
Tout d'abord, il faut dire que cette notion nous paraît ineffable, et nous sommes en difficulté pour lui donner une définition, nous nous demandons si elle peut être définie? Il y a certainement plusieurs définitions possibles dépendant de différents points de vue.
Toutefois courageusement le groupe s'est attelé à la tâche et voici ce que nous pouvons collectivement et après négociations et discutions en dire:
Au coeur de la sphère de la connaissance, il y a l'homme, en tant qu'individu ou en tant que savant, finalement peu importe, il participe au pot commun de la culture, par l'échange, la réflexion, la mise en commun des savoir.
Pour qu'il y ait une société de la connaissance, il faut qu'il y ait un groupe qui communique, partage ses idées (débats, échanges), un groupe qui vit ensemble, constitué de personnes qui évoluent en interaction pour acquérir et transmettre des savoirs.
Nous nous posons alors la question de savoir où trouver la connaissance?
Il y a plusieurs formes de connaissances: la culture, les savoir d'expérience, les techniques, les sciences, l'histoire, le patrimoine.... on en oublie sûrement...
Nous pensons que la connaissance est en constante augmentation, expansion, évolution. Que d'avancées des connaissances depuis 1OO ans!
Mais se pose alors la question de savoir qui à accès à cette connaissance?
Il y a des inégalités dans l'accessibilité, l'accès à la connaissance a un prix, mais il faut aussi être riche de curiosité pour y accéder.
Une nouvelle interrogation apparaît alors : connaissances intellectuelles et intelligence est-ce la même chose? Et à quoi sert la connaissance?
Pour nous, la connaissance, c'est un idéal qui nous permet d'avancer ensemble vers la maturité et vers une « Connaissances Sans frontières » : « CSF » toute nouvelle ONG que nous venons d'imaginer.
L'école, les institutions, la formation, les projets, les médias et les NTIC nous permettent d'accéder à la connaissance.
Posséder une connaissance n'est-ce pas aussi une forme de pouvoir, nous pourrions explorer cette notion du lien entre connaissance et pouvoir.
Toutes les connaissances sont-elles vraies? La vérité voilà encore une notion à éclaircir.
À quoi sert la connaissance et que nous apporte-t-elle?
Toutes ces nouvelles questions sont des pistes à explorer,
>> Ce que nous pouvons dire aujourd'hui, c'est que nous sommes conscients que pour participer à l'infinie et in quantifiable richesse que représente la société de la connaissance, il nous faut en être les acteurs.
N'est-ce pas justement cette volonté de ne pas rester spectateurs d'une société en évolution qui nous réuni?
lundi 21 juillet 2008
Le far west inventif
Bretagne[s] n° 11 juillet-septembre 2008 (p. 93)
Maurice Baslé, professeur d'économie à l'Université européenne de Bretagne
Le n° 10 de la revue Bretagne[s]a présenté quelques grandes pistes d'évolution de l'économie bretonne à l'horizon 2030 (p.62). Sur ce thème, Maurice Baslé, professeur d'économie à l'Université européenne de Bretagne, nous propose d'accentuer la vision des métamorphoses pour la Bretagne, « laboratoire d'une renaissance tranquille », à saisir bon nombre d'opportunités, notamment celles proposées par le rapport Attali. « Dans le volet société fondée sur la connaissance, nous sommes déjà en phase, en bretagne, pour soutenir les secteurs de l'avenir (numérique, santé, écologie, tourisme) », écrit-il. Et d'ajouter : « Les valeurs de solidarité de notre région, son attachement à l'éducation, son travail acharné, sa volonté d'Europe et innovation lui ont donné la réputation d'être une usine et un laboratoire hautement qualifié dans des domaines consacrés aujourd'hui par des trophées conquis de haute lutte : des pôles de compétitivité, des filières organisées et des PME comme écosystème dense et bien diffus sur tous ses territoires, une académie de la réussite avec des populations jeunes et toniques et, depuis 2007, un pôle de recherche et d'enseignement supérieur (1 parmi les 9 de France), regroupant 4 universités, 5 grandes écoles, 2500 doctorants et nombre de chercheurs de grands organismes qui peuvent être visibles à l'échelle mondiale.
« Ce laboratoire breton, poursuit Maurice Baslé, a quelques atouts d'avance dans son jeu ; il importeraiy de les vivifier avant que la regression vers la périphéricité ne perturbe l'espoir des jeunes générations demandeuses de solutions non centralisées à Paris. Je suis certain que socialement la Bretagne saurait faire une représentation unique des salariés dans toutes les entreprises de moins de 250 salariés, saurait être un terrain d'expérimentation pour un régime fiscal et social simplifié, sait déjà expérimenter un contrat professionnel pour les transitions et se porterait volontaire pour soutenir les PME de moins de 20 salariés . . . Nous savons déjà généraliser le très haut débit ; nous saurions faire valoir la liberté tarifaire dans la grande distribution, restructurer les administrations, améliorer la gouvernance locale et créer un e-gouvernement avec des services publics high tech. »
« Bien entendu, il y a des choses où l'on doit encore progresser : l'eau, le littoral à préserver pour les générations futures. Nos villes et nos départements ont déjà une feuille de route (Agenda 21) que les accords de Grenelle n'ont pas eu besoin d'inventer . . . Au fond, la Bretagne a joué son rôle de far west inventif et stimulant et n'a plus qu'à forcer l'allure pour contribuer aux exigences de réforme qui se cachent derrière les paroles d'expert : elle doit devenir la région la plus attractive d'Europe de l'Ouest pour les activités haut de gamme de l'économie fondée sur la connaissance et un véritable banc d'essai pour toutes les nouvelles technologies du futur. »
Maurice Baslé, professeur d'économie à l'Université européenne de Bretagne
Le n° 10 de la revue Bretagne[s]a présenté quelques grandes pistes d'évolution de l'économie bretonne à l'horizon 2030 (p.62). Sur ce thème, Maurice Baslé, professeur d'économie à l'Université européenne de Bretagne, nous propose d'accentuer la vision des métamorphoses pour la Bretagne, « laboratoire d'une renaissance tranquille », à saisir bon nombre d'opportunités, notamment celles proposées par le rapport Attali. « Dans le volet société fondée sur la connaissance, nous sommes déjà en phase, en bretagne, pour soutenir les secteurs de l'avenir (numérique, santé, écologie, tourisme) », écrit-il. Et d'ajouter : « Les valeurs de solidarité de notre région, son attachement à l'éducation, son travail acharné, sa volonté d'Europe et innovation lui ont donné la réputation d'être une usine et un laboratoire hautement qualifié dans des domaines consacrés aujourd'hui par des trophées conquis de haute lutte : des pôles de compétitivité, des filières organisées et des PME comme écosystème dense et bien diffus sur tous ses territoires, une académie de la réussite avec des populations jeunes et toniques et, depuis 2007, un pôle de recherche et d'enseignement supérieur (1 parmi les 9 de France), regroupant 4 universités, 5 grandes écoles, 2500 doctorants et nombre de chercheurs de grands organismes qui peuvent être visibles à l'échelle mondiale.
« Ce laboratoire breton, poursuit Maurice Baslé, a quelques atouts d'avance dans son jeu ; il importeraiy de les vivifier avant que la regression vers la périphéricité ne perturbe l'espoir des jeunes générations demandeuses de solutions non centralisées à Paris. Je suis certain que socialement la Bretagne saurait faire une représentation unique des salariés dans toutes les entreprises de moins de 250 salariés, saurait être un terrain d'expérimentation pour un régime fiscal et social simplifié, sait déjà expérimenter un contrat professionnel pour les transitions et se porterait volontaire pour soutenir les PME de moins de 20 salariés . . . Nous savons déjà généraliser le très haut débit ; nous saurions faire valoir la liberté tarifaire dans la grande distribution, restructurer les administrations, améliorer la gouvernance locale et créer un e-gouvernement avec des services publics high tech. »
« Bien entendu, il y a des choses où l'on doit encore progresser : l'eau, le littoral à préserver pour les générations futures. Nos villes et nos départements ont déjà une feuille de route (Agenda 21) que les accords de Grenelle n'ont pas eu besoin d'inventer . . . Au fond, la Bretagne a joué son rôle de far west inventif et stimulant et n'a plus qu'à forcer l'allure pour contribuer aux exigences de réforme qui se cachent derrière les paroles d'expert : elle doit devenir la région la plus attractive d'Europe de l'Ouest pour les activités haut de gamme de l'économie fondée sur la connaissance et un véritable banc d'essai pour toutes les nouvelles technologies du futur. »
vendredi 18 juillet 2008
La connaissance est fondamentalement commune à l’homme
Jacques Pinel
membre du conseil scientifique du panel France, administrateur de l'association Les Petits Débrouillards Bretagne
- Je n’ai pas poussé pour l’instant une réflexion en profondeur sur la connaissance, le savoir... Pour moi d’abord la connaissance est fondamentalement commune à l’homme et à l’ensemble des êtres humains (la loi de la gravitation est la même partout ; elle ne supporte pas de particularisme) ; même si, bien sûr, la connaissance n’est pas une constante dans le temps ; elle est susceptible d’évoluer. Je veux dire aussi que les théories scientifiques, de la physique par exemple, tendent à une réduction de leur nombre (à quand la théorie unique ?) ; cela va dans le sens de la globalité du savoir.
Mais c’est dans l’application de cette connaissance universelle qu’il y a des différences :
De nature historique : pays, société…
De nature culturelle : façon de voir les choses…
De nature géographique : contexte européen, monde asiatique…
En conséquence il est clair pour moi que ce n’est pas uniquement cet aspect universel de la connaissance qui est important dans une réflexion sur notre projet : « Jeunes européens dans la société de la connaissance »
- Les sciences exactes (évitons sciences dures qui est un terme galvaudé)sont un des aspects de la connaissance le plus rapidement abordable et dont le contour est sans doute le mieux connu ; en tout cas c’est dans ce chapitre que la connaissance peut trouver son dénominateur commun parmi les particularités signalées dues à l’histoire d’une société ou à la géographie d’un pays (le fonctionnement d’une vis est unique quel que soit l’endroit alors que les codes normés selon son filetage sont différents selon le pays).
- Dans le cadre d’une société européenne de la connaissance un aspect doit être évoqué ; c’est celui des enjeux économiques ; ainsi dans le domaine de la Physique des matériaux un enjeu économique important pour l’avenir est celui des Nanotechnologies ; la maîtrise de cette physique appliquée est et sera de plus en plus un gage de développement de la connaissance et du savoir-faire des sociétés et des populations. Cet aspect économique est, on ne peut l’éviter, incontournable. Dans le cadre européen et dans un environnement mondial, cela suppose certains choix de société.
- À partir d’un recensement global des connaissances de base qui sont prouvées et admises par tous (une sorte d’encyclopédie), il est absolument salutaire de prendre en compte les différences culturelles de chaque pays. L’écueil à éviter est l’uni formalisation des savoirs et des savoir-faire. - Dernier point que je voudrais aussi souligner car il me tient à cœur : c’est la transmission au grand public et surtout aux jeunes de la fausse connaissance. Il faut combattre avec énergie la pseudo connaissances et l’information galvaudée (cf. aberration des émissions TV dites scientifiques... il faut réagir !). En conséquence la recherche de la qualité dans la transmission de la connaissance est essentielle. Au niveau de notre projet la qualité des propositions, des engagements, des recommandations issus des jeunes est très importante.
membre du conseil scientifique du panel France, administrateur de l'association Les Petits Débrouillards Bretagne
- Je n’ai pas poussé pour l’instant une réflexion en profondeur sur la connaissance, le savoir... Pour moi d’abord la connaissance est fondamentalement commune à l’homme et à l’ensemble des êtres humains (la loi de la gravitation est la même partout ; elle ne supporte pas de particularisme) ; même si, bien sûr, la connaissance n’est pas une constante dans le temps ; elle est susceptible d’évoluer. Je veux dire aussi que les théories scientifiques, de la physique par exemple, tendent à une réduction de leur nombre (à quand la théorie unique ?) ; cela va dans le sens de la globalité du savoir.
Mais c’est dans l’application de cette connaissance universelle qu’il y a des différences :
De nature historique : pays, société…
De nature culturelle : façon de voir les choses…
De nature géographique : contexte européen, monde asiatique…
En conséquence il est clair pour moi que ce n’est pas uniquement cet aspect universel de la connaissance qui est important dans une réflexion sur notre projet : « Jeunes européens dans la société de la connaissance »
- Les sciences exactes (évitons sciences dures qui est un terme galvaudé)sont un des aspects de la connaissance le plus rapidement abordable et dont le contour est sans doute le mieux connu ; en tout cas c’est dans ce chapitre que la connaissance peut trouver son dénominateur commun parmi les particularités signalées dues à l’histoire d’une société ou à la géographie d’un pays (le fonctionnement d’une vis est unique quel que soit l’endroit alors que les codes normés selon son filetage sont différents selon le pays).
- Dans le cadre d’une société européenne de la connaissance un aspect doit être évoqué ; c’est celui des enjeux économiques ; ainsi dans le domaine de la Physique des matériaux un enjeu économique important pour l’avenir est celui des Nanotechnologies ; la maîtrise de cette physique appliquée est et sera de plus en plus un gage de développement de la connaissance et du savoir-faire des sociétés et des populations. Cet aspect économique est, on ne peut l’éviter, incontournable. Dans le cadre européen et dans un environnement mondial, cela suppose certains choix de société.
- À partir d’un recensement global des connaissances de base qui sont prouvées et admises par tous (une sorte d’encyclopédie), il est absolument salutaire de prendre en compte les différences culturelles de chaque pays. L’écueil à éviter est l’uni formalisation des savoirs et des savoir-faire. - Dernier point que je voudrais aussi souligner car il me tient à cœur : c’est la transmission au grand public et surtout aux jeunes de la fausse connaissance. Il faut combattre avec énergie la pseudo connaissances et l’information galvaudée (cf. aberration des émissions TV dites scientifiques... il faut réagir !). En conséquence la recherche de la qualité dans la transmission de la connaissance est essentielle. Au niveau de notre projet la qualité des propositions, des engagements, des recommandations issus des jeunes est très importante.
Pour une société de la connaissance
Jérôme Porée
Professeur de Philosophie univ. Rennes 1, membre du conseil scientifique du panel France
J’avoue une certaine perplexité devant cet intitulé : « une société de la connaissance » – perplexité que j’imagine partagée par bon nombre d’entre nous car pourquoi, sans cela, cette réunion ? « Société de connaissance » : c’est au mieux un titre, au pire un slogan. Mais la question, dans les deux cas, se pose : qu’est-ce que cela veut dire ? que mettre sous ce titre ? et comment faire pour que ce soit plus qu’un slogan ? On parlait, plus anciennement, de « société de progrès » ou de « société de liberté » : s’agit-il de la même chose ?
J’ai à l’esprit, en posant ces questions, l’idéal d’émancipation qui animait, au XVIIIème siècle, les penseurs des Lumières. Ces « lumières » étaient pour eux celles de la raison ; et cette raison était celle qui œuvre dans les sciences. C’est un fait : l’ignorant n’est pas libre. Aux sciences alors de délivrer l’homme de la nuit du préjugé, c’est-à-dire de la tradition (opposée a à la raison) et plus particulièrement de la tradition religieuse. L’âge positiviste, qui suivit celui des Lumières, renforça cette foi dans le progrès confondu tout entier avec celui des sciences et de leurs applications techniques. Le progrès des sciences et des techniques était censé entraîner mécaniquement le progrès général du genre humain. On sait ce qui advint. Nous ne croyons plus que l’émancipation de l’homme résulte du seul développement des sciences et des techniques. Une société de la connaissance n’est pas nécessairement une société de liberté. Ce n’est pas non plus nécessairement une société de progrès, si l’on donne à ce mot un contenu moral et non seulement épistémique ou technique.
Mais il me faut corriger à ce point la présentation caricaturale que j’ai faite à l’instant de l’idéal d’émancipation propre à l’esprit des Lumières.
D’abord, il ne s’agit pas, pour les penseurs des Lumières, d’accumuler les connaissances positives. Il s’agit d’ « apprendre à se servir de son propre entendement ». Le but n’est ni l’encyclopédisme ni le progrès matériel mais la formation du jugement autonome. Et ce but, faut-il le préciser, n’est pas seulement théorique : il est encore et d’abord éthique et politique. La connaissance, alors, n’est pas une fin en soi. Elle est un moyen au service de la liberté – intérieure comme extérieure.
Encore doit-elle, pour cela, mériter son nom. Qu’est-ce, en effet, qu’une connaissance véritable ? C’est pour nous, me semble-t-il, une question préalable. Je ne vais pas, bien sûr, me risquer à y répondre. Je me contenterai de suggérer, en revenant à notre intitulé, qu’une société de connaissance n’est pas une « société de l’information » ni une « société des savoirs ». Platon déjà nous l’avait appris : on ne comprend pas toujours ce qu’on dit ; et l’on ne sait pas toujours ce que l’on sait. C’est plus vrai encore à notre époque marquée par le vacarme grandissant des signes échangés. « Etre informé de tout et condamné ainsi à ne rien comprendre, tel est le sort des imbéciles », ironise Bernanos1 avant même le développement d’Internet et des autres techniques de communication. La connaissance, c’est l’information comprise ; c’est le savoir réfléchi. Elle ne contribuerait pas, sans cela, à la formation et à l’exercice du jugement autonome.
Encore dois-je apporter ici une autre correction à la présentation très sommaire que j’ai faite à l’instant de la pensée des Lumières. J’ai paru en effet réduire la connaissance à la seule connaissance scientifique. Or il faudrait distinguer sur ce plan déjà entre les sciences de la nature et les sciences de l’homme et cesser de croire que les premières puissent servir de modèle aux secondes. Mais la science n’a pas le monopole de la connaissance. Il existe, autrement dit, plusieurs genres de connaissance. La philosophie, la littérature, les différents arts nous aident, à leur façon, à connaître le monde et à nous connaître nous-mêmes. Une société de la connaissance n’est pas une société où la science éclipserait toutes les autres formes de l’esprit et de la culture et déciderait seule du vrai et du bien2. Sur bien des choses, en effet, et peut-être sur les plus importantes, les experts n’en savent pas plus que nous. Ils ne peuvent nous dire, par exemple, ce qu’est le bonheur, ni ce qu’est une société juste, ni quel est le meilleur gouvernement possible. Et si la science s’oppose au sentiment et à l’opinion, il faut admettre qu’en ce qui regarde les fins de la vie humaine, le sentiment et l’opinion ont leur place à côté du raisonnement et de la démonstration. La science, à vrai dire, n’a même pas le monopole de la raison ; c’est ce que montrent, entre autres, le jugement moral, l’argumentation juridique ou la discussion publique.
Mais il me semble que nous devons aller plus loin ici que les penseurs des Lumières et surmonter encore l’opposition qui les arrêtait : celle de la raison et de la tradition. Le préjugé n’est pas seulement la mauvaise herbe qu’il faut arracher ; c’est encore le terreau qui rend la pensée féconde. Rien ne commence à partir de rien. Même la science ne peut être séparée de son histoire – qui inclut les formes de la connaissance pré-scientifique. Si nous ne le voyons pas, c’est que nous vivons à l’époque de la communication en temps réel – c’est-à-dire à durée nulle. Les choses nous paraissent n’exister qu’au temps de leur nouveauté ; et nous nous coupons nous-mêmes ainsi de tous nos héritages. Ce sont moins alors les penseurs des Lumières que ceux de la Renaissance qui doivent nous servir de guide. Car la Renaissance, telle qu’elle s’est comprise elle-même, implique un retour aux Grecs et aux Latins. Elle vit de l’idée qu’on ne fait de nouveau qu’avec de l’ancien et que les promesses de l’avenir sont souvent le trésor caché des traditions les plus anciennes. C’est à la connaissance historique que je pense alors plus encore qu’à la connaissance philosophique. Je ne crois pas nécessaire d’ailleurs d’opposer ici l’histoire et la fiction : ce sont deux modalités de l’acte de raconter, que l’on peut tenir pour constitutif de toute culture. Ce qui est en jeu dans les deux cas, c’est le sens qu’ont pour les membres d’une société donnée les connaissances dont ils disposent. Revenons aux connaissances scientifiques, dont j’ai dit la place éminente qu’elles avaient dans notre société. : elles ne prennent sens qu’intégrées à un récit dont la fonction la plus générale est de projeter au-devant de nous un monde possible, c’est-à-dire un monde que nous pourrions habiter (et cela pour le meilleur comme pour le pire ainsi qu’en témoigne aujourd’hui la littérature dite de science-fiction). Pour connaître mieux, il faut raconter plus.
Permettez-moi, pour terminer, un renversement rhétorique un peu facile. Je crois, en effet, qu’une société de connaissance implique une connaissance de la société et de ceux qui la font : quels sont leurs besoins ? mais surtout : quelles sont leurs tâches véritables et leurs aspirations profondes ? La compétition économique mondiale constitue-t-elle leur unique horizon ? On peut en douter. Une société de la connaissance ne peut être définie principalement comme une « société plus compétitive » et l’on ne peut que se féliciter, à cet égard, du découplage de ces deux notions dans la compréhension débrouillarde du projet de la communauté européenne ! L’émancipation des personnes importe davantage, en effet, que la rétention des cerveaux. Car la connaissance, certes, n’a pas sa fin en soi : elle doit être une connaissance au service de l’homme. Descartes parlait en ce sens d’une connaissance « utile à la vie ». Mais il entendait tout le contraire, ce disant, d’une connaissance utilitaire et, à plus forte raison, d’une connaissance inféodée aux impératifs géostratégiques et aux calculs économiques à court terme.
1 La Révolution de la liberté.
2 Pascal a raison : « La science des choses extérieures ne console pas de l’ignorance de la morale aux temps d’affliction » (Pensées).
Professeur de Philosophie univ. Rennes 1, membre du conseil scientifique du panel France
J’avoue une certaine perplexité devant cet intitulé : « une société de la connaissance » – perplexité que j’imagine partagée par bon nombre d’entre nous car pourquoi, sans cela, cette réunion ? « Société de connaissance » : c’est au mieux un titre, au pire un slogan. Mais la question, dans les deux cas, se pose : qu’est-ce que cela veut dire ? que mettre sous ce titre ? et comment faire pour que ce soit plus qu’un slogan ? On parlait, plus anciennement, de « société de progrès » ou de « société de liberté » : s’agit-il de la même chose ?
J’ai à l’esprit, en posant ces questions, l’idéal d’émancipation qui animait, au XVIIIème siècle, les penseurs des Lumières. Ces « lumières » étaient pour eux celles de la raison ; et cette raison était celle qui œuvre dans les sciences. C’est un fait : l’ignorant n’est pas libre. Aux sciences alors de délivrer l’homme de la nuit du préjugé, c’est-à-dire de la tradition (opposée a à la raison) et plus particulièrement de la tradition religieuse. L’âge positiviste, qui suivit celui des Lumières, renforça cette foi dans le progrès confondu tout entier avec celui des sciences et de leurs applications techniques. Le progrès des sciences et des techniques était censé entraîner mécaniquement le progrès général du genre humain. On sait ce qui advint. Nous ne croyons plus que l’émancipation de l’homme résulte du seul développement des sciences et des techniques. Une société de la connaissance n’est pas nécessairement une société de liberté. Ce n’est pas non plus nécessairement une société de progrès, si l’on donne à ce mot un contenu moral et non seulement épistémique ou technique.
Mais il me faut corriger à ce point la présentation caricaturale que j’ai faite à l’instant de l’idéal d’émancipation propre à l’esprit des Lumières.
D’abord, il ne s’agit pas, pour les penseurs des Lumières, d’accumuler les connaissances positives. Il s’agit d’ « apprendre à se servir de son propre entendement ». Le but n’est ni l’encyclopédisme ni le progrès matériel mais la formation du jugement autonome. Et ce but, faut-il le préciser, n’est pas seulement théorique : il est encore et d’abord éthique et politique. La connaissance, alors, n’est pas une fin en soi. Elle est un moyen au service de la liberté – intérieure comme extérieure.
Encore doit-elle, pour cela, mériter son nom. Qu’est-ce, en effet, qu’une connaissance véritable ? C’est pour nous, me semble-t-il, une question préalable. Je ne vais pas, bien sûr, me risquer à y répondre. Je me contenterai de suggérer, en revenant à notre intitulé, qu’une société de connaissance n’est pas une « société de l’information » ni une « société des savoirs ». Platon déjà nous l’avait appris : on ne comprend pas toujours ce qu’on dit ; et l’on ne sait pas toujours ce que l’on sait. C’est plus vrai encore à notre époque marquée par le vacarme grandissant des signes échangés. « Etre informé de tout et condamné ainsi à ne rien comprendre, tel est le sort des imbéciles », ironise Bernanos1 avant même le développement d’Internet et des autres techniques de communication. La connaissance, c’est l’information comprise ; c’est le savoir réfléchi. Elle ne contribuerait pas, sans cela, à la formation et à l’exercice du jugement autonome.
Encore dois-je apporter ici une autre correction à la présentation très sommaire que j’ai faite à l’instant de la pensée des Lumières. J’ai paru en effet réduire la connaissance à la seule connaissance scientifique. Or il faudrait distinguer sur ce plan déjà entre les sciences de la nature et les sciences de l’homme et cesser de croire que les premières puissent servir de modèle aux secondes. Mais la science n’a pas le monopole de la connaissance. Il existe, autrement dit, plusieurs genres de connaissance. La philosophie, la littérature, les différents arts nous aident, à leur façon, à connaître le monde et à nous connaître nous-mêmes. Une société de la connaissance n’est pas une société où la science éclipserait toutes les autres formes de l’esprit et de la culture et déciderait seule du vrai et du bien2. Sur bien des choses, en effet, et peut-être sur les plus importantes, les experts n’en savent pas plus que nous. Ils ne peuvent nous dire, par exemple, ce qu’est le bonheur, ni ce qu’est une société juste, ni quel est le meilleur gouvernement possible. Et si la science s’oppose au sentiment et à l’opinion, il faut admettre qu’en ce qui regarde les fins de la vie humaine, le sentiment et l’opinion ont leur place à côté du raisonnement et de la démonstration. La science, à vrai dire, n’a même pas le monopole de la raison ; c’est ce que montrent, entre autres, le jugement moral, l’argumentation juridique ou la discussion publique.
Mais il me semble que nous devons aller plus loin ici que les penseurs des Lumières et surmonter encore l’opposition qui les arrêtait : celle de la raison et de la tradition. Le préjugé n’est pas seulement la mauvaise herbe qu’il faut arracher ; c’est encore le terreau qui rend la pensée féconde. Rien ne commence à partir de rien. Même la science ne peut être séparée de son histoire – qui inclut les formes de la connaissance pré-scientifique. Si nous ne le voyons pas, c’est que nous vivons à l’époque de la communication en temps réel – c’est-à-dire à durée nulle. Les choses nous paraissent n’exister qu’au temps de leur nouveauté ; et nous nous coupons nous-mêmes ainsi de tous nos héritages. Ce sont moins alors les penseurs des Lumières que ceux de la Renaissance qui doivent nous servir de guide. Car la Renaissance, telle qu’elle s’est comprise elle-même, implique un retour aux Grecs et aux Latins. Elle vit de l’idée qu’on ne fait de nouveau qu’avec de l’ancien et que les promesses de l’avenir sont souvent le trésor caché des traditions les plus anciennes. C’est à la connaissance historique que je pense alors plus encore qu’à la connaissance philosophique. Je ne crois pas nécessaire d’ailleurs d’opposer ici l’histoire et la fiction : ce sont deux modalités de l’acte de raconter, que l’on peut tenir pour constitutif de toute culture. Ce qui est en jeu dans les deux cas, c’est le sens qu’ont pour les membres d’une société donnée les connaissances dont ils disposent. Revenons aux connaissances scientifiques, dont j’ai dit la place éminente qu’elles avaient dans notre société. : elles ne prennent sens qu’intégrées à un récit dont la fonction la plus générale est de projeter au-devant de nous un monde possible, c’est-à-dire un monde que nous pourrions habiter (et cela pour le meilleur comme pour le pire ainsi qu’en témoigne aujourd’hui la littérature dite de science-fiction). Pour connaître mieux, il faut raconter plus.
Permettez-moi, pour terminer, un renversement rhétorique un peu facile. Je crois, en effet, qu’une société de connaissance implique une connaissance de la société et de ceux qui la font : quels sont leurs besoins ? mais surtout : quelles sont leurs tâches véritables et leurs aspirations profondes ? La compétition économique mondiale constitue-t-elle leur unique horizon ? On peut en douter. Une société de la connaissance ne peut être définie principalement comme une « société plus compétitive » et l’on ne peut que se féliciter, à cet égard, du découplage de ces deux notions dans la compréhension débrouillarde du projet de la communauté européenne ! L’émancipation des personnes importe davantage, en effet, que la rétention des cerveaux. Car la connaissance, certes, n’a pas sa fin en soi : elle doit être une connaissance au service de l’homme. Descartes parlait en ce sens d’une connaissance « utile à la vie ». Mais il entendait tout le contraire, ce disant, d’une connaissance utilitaire et, à plus forte raison, d’une connaissance inféodée aux impératifs géostratégiques et aux calculs économiques à court terme.
1 La Révolution de la liberté.
2 Pascal a raison : « La science des choses extérieures ne console pas de l’ignorance de la morale aux temps d’affliction » (Pensées).
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