mardi 15 juillet 2008

Les sept savoirs de l'éducation du futur

Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
Les sept savoirs
nécessaires à l’éducation du futur
Edgar Morin 1999
http://cap.qc.ca.edu/2007/11/14/le-capitalisme-academique-a-l’universite-d’ottawa-«-de-la-valorisation-de-la-connaissance-a-la-creation-de-valeur-»/
SOMMAIRE

Avant-propos
Ce texte se veut antérieur à tout guide ou précis d’enseignement. II
ne traite pas de l’ensemble des matières qui sont ou devraient être
enseignées : ii tient à exposer seulement et essentiellement des problèmes
centraux ou fondamentaux, qui demeurent totalement ignorés ou oubliés,
et qui sont nécessaires à enseigner dans le siècle futur.
Il y a sept savoirs « fondamentaux » que l’éducation du futur devrait
traiter dans toute société comme dans toute culture, sans exclusive ni
rejet, selon modes et règles propres à chaque société et chaque culture.
Ajoutons que le savoir scientifique sur lequel s’appuie ce texte pour
situer la condition humaine est non seulement provisoire, mais encore
débouche sur de profonds mystères concernant l’Univers, la Vie, la
naissance de I’Etre humain. Ici s’ouvre un indécidable dans lequel
interviennent les options philosophiques et les croyances religieuses, à
travers cultures et civilisations.
Les sept savoirs nécessaires
Chaoitre 1 : Les cécités de la connaissance : l’erreur et l’illusion
i Il est remarquable que l’éducation qui vise à communiquer les
connaissances soit aveugle sur ce qu’est la connaissance humaine,
ses dispositifs, ses infirmités, ses difficultés, ses propensions à
l’erreur comme à l’illusion, et ne se préoccupe nullement de faire
connaître ce qu’est connaître.
k En effet, la connaissance ne peut être considérée comme un outil
ready made, que l’on peut utiliser sans examiner sa nature. Aussi la
connaissance de la connaissance doit-elle apparaître comme une
nécessité première qui servirait de préparation à l’affrontement des
risques permanents d’erreur et d’illusion, quine cessent de parasiter
l’esprit humain. Il s’agit d’armer chaque esprit dans le combat vital
pour la lucidité.
k Il est nécessaire d’introduire et de développer dans l’enseignement
l’étude des caractères cérébraux, mentaux, culturels des
connaissances humaines, de ses processus et de ses modalités, des
dispositions tant psychiques que culturelles qui lui font risquer
l’erreur ou l’illusion.
Chacîitre II : Les principes d’une connaissance pertinente
k Il y a un problème capital, toujours méconnu, qui est celui de la
nécessité de promouvoir une connaissance capable de saisir les
problèmes globaux et fondamentaux pour Y inscrire les
connaissances partielles et locales.
J+ La suprématie d’une connaissance fragmentée selon les disciplines
rend souvent incapable d’opérer le lien entre les parties et les
totalités et doit faire place à un mode de connaissance capable de
saisir ses objets dans leurs contextes, leurs complexes, leurs
ensembles.
k Il est nécessaire de développer l’aptitude naturelle de l’esprit
humain à situer toutes ses informations dans un contexte et un
ensemble. Il est nécessaire d’enseigner les méthodes qui permettent
de saisir les relations mutuelles et influences réciproques entre
parties et tout dans un monde complexe.
Chapitre III : Enseigner la condition humaine
P L’être humain est à la fois physique, biologique, psychique, culturel,
social, historique. C’est cette unité complexe de la nature humaine
qui est complètement désintégrée dans l’enseignement, à travers les
disciplines, et il est devenu impossible d’apprendre ce que signifie
être humain. Il faut la restaurer, de façon à ce que chacun, où qu’il
soit, prenne connaissance et conscience à la fois de son identité
complexe et de son identité commune avec tous les autres humains.
‘r Ainsi, la condition humaine devrait être un objet essentiel de tout
enseignement.
2; Ce chapitre indique comment il est possible, à partir des disciplines
actuelles, de reconnaître l’unité et la complexité humaines en
rassemblant et organisant des connaissances dispersées dans les
sciences de la nature, les sciences humaines, la littérature et la
philosophie, et de montrer le lien indissoluble entre l’unité et la
diversité de tout ce qui est humain.
Chapitre IV : Enseigner l’identité terrienne
‘i Le destin désormais planétaire du genre humain est une autre réalité
clé ignoré par l’enseignement. La connaissance des développements
de l’ère planétaire qui vont s’accroître dans le XXI’ siècle, et la
reconnaissance de l’identité terrienne, qui sera de plus en plus
indispensable pour chacun et pour tous, doivent devenir un des
objets majeurs de l’enseignement.
k Il convient d’enseigner l’histoire de l’ère planétaire, qui commence
avec la communication de tous les continents au XVI” siècle, et de
montrer comment sont devenues inter-solidaires toutes les parties
du monde sans pourtant occulter les oppressions et dominations qui
ont ravagé l’humanité et n’ont pas disparu.
> Il faudra indiquer le complexe de crise planétaire qui marque le XXe
siècle, montrant que tous les humains, désormais confrontés aux
mêmes problèmes de vie et de mort, vivent une même communauté
de destin.
Chapitre V : Affronter les incertitudes
k Les sciences nous ont fait acquérir beaucoup de certitudes, mais
nous ont également révélé au cours du XXe siècle d’innombrables
domaines d’incertitudes. L’enseignement devrait comporter un
enseignement des incertitudes qui sont apparues dans les sciences
physiques (microphysiques, thermodynamique, cosmologie), les
sciences de l’évolution biologique et les sciences historiques.
> Il faudrait enseigner des principes de stratégie, qui permettent
d’affronter les aléas, l’inattendu et l’incertain, et de modifier leur
développement, en vertu des informations acquises en cours de
route. Il faut apprendre à naviguer dans un océan d’incertitudes à
travers des archipels de certitude.
‘t La formule du poète grec Euripide, vieille de vingt-cinq siècles, est
plus actuelle que jamais : « L’attendu ne s’accomplit pas, et à
l’inattendu un dieu ouvre la porte ». L’abandon des conceptions
déterministes de l’histoire humaine qui croyaient pouvoir prédire
notre futur, l’examen des grands événements et accidents de notre
siècle qui furent tous inattendus, le caractère désormais inconnu de
l’aventure humaine doivent nous inciter à préparer les esprits à
s’attendre à l’inattendu pour l’affronter. Il est nécessaire que tous
ceux qui ont la charge d’enseigner se portent aux avant-postes de
l’incertitude de nos temps.
Chapitre VI : Enseigner la compréhension
> La compréhension est à la fois moyen et fin de la communication
humaine. Or, l’éducation à la compréhension est absente de nos
enseignements. La planète nécessite dans tous les sens des
compréhensions mutuelles. Etant donné l’importance de l’éducation à
la compréhension, à tous les niveaux éducatifs et à tous les âges, le
développement de la compréhension nécessite une réforme des
mentalités. Telle doit être l’oe uvre pour l’éducation du futur.
‘k La compréhension mutuelle entre humains, aussi bien proches
qu’étrangers, est désormais vitale pour que les relations humaines
sortent de leur état barbare d’incompréhension.
k D’où la nécessité d’étudier l’incompréhension, dans ses racines, ses
modalités et ses effets. Une telle étude est d’autant plus nécessaire
qu’elle porterait, non sur les symptômes, mais sur les causes des
racismes, xénophobies, mépris. Elle constituerait en même temps
une des bases les plus sûres de l’éducation pour la paix, à laquelle
nous sommes attachés par fondation et vocation.
Chapitre VII : L ‘éthique du genre humain
i=- L’enseignement doit amener à une « anthropo-éthique » par la
considération du caractère ternaire de la condition humaine, qui est
d’être à la fois individu 4-b société < + espèce. Dans ce sens, l’éthique
individu/espèce nécessite un contrôle mutuel de la société par
l’individu et de l’individu par la société, c’est-à-dire la démocratie ;
l’éthique individu ++ espèce appelle au XXIe siècle la citoyenneté
terrestre.
F L’éthique ne saurait être enseignée par des leçons de morale. Elle
doit se former dans les esprits à partir de la conscience que
I’humain est à la fo&is individu, partie d’une société, partie d’une
espèce. Nous portons en chacun de nous cette triple réalité. Aussi,
tout développement vraiment humain doit-il comporter le
développement conjoint des autonomies individuelles, des
participations communautaires et de la conscience d’appartenir à
l’espèce humaine.
k A partir de cela s’esquissent les deux grandes finalités éthicopolitiques
du nouveau millénaire : établir une relation de contrôle
mutuel entre la société et les individus par la démocratie, accomplir
I’Humanité comme communauté planétaire. L’enseignement doit
contribuer, non seulement à une prise de conscience de notre Terre-
Patrie, mais aussi permettre que cette conscience se traduise en une
volonté de réaliser la citoyenneté terrienne.

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